L’entreprise individuelle au régime réel est un statut privilégié par les artisans, les commerçants, et les professions libérales ayant de nombreuses charges ou un besoin de recruter.
C’est la forme traditionnelle d’entreprise individuelle, qui existait bien avant que l’option de l’auto-entreprise ne fasse son apparition.
Aujourd’hui, l’entreprise individuelle au régime réel est souvent négligée au profit de l’auto-entreprise. Cependant, il est parfois financièrement plus intéressant de passer par le régime réel, pour pouvoir récupérer la TVA et déduire les charges de son chiffre d’affaires.
Est-ce que l’entreprise individuelle au régime réel est faite pour vous ? C’est ce que nous allons étudier ensemble dans ce chapitre, en nous concentrant sur les éléments suivants :
- la prise en charge des charges et la récupération de TVA sous ce régime,
- le mécanisme de paiement des cotisations sociales et des impôts de ce statut,
- et enfin, la mise en place et gestion au quotidien de cette entreprise.
Optimisation avec le régime réel
En auto-entreprise, les cotisations et l’impôt sur le revenu sont calculés à partir du chiffre d’affaires réalisé. Hors, cela ne tient pas compte de toutes vos charges. Si vous avez une activité qui demande beaucoup d’achats, alors l’entreprise individuelle au régime réel est peut-être la meilleure option pour vous.
En effet, avec ce statut, vous pouvez déduire de votre chiffre d’affaires toutes vos dépenses ! Une fois cette déduction effectuée, vous obtiendrez votre bénéfice réel.
Vous pouvez déduire de votre chiffre d’affaires l’intégralité de vos dépenses professionnelles, comme par exemple :
- vos frais de création d’entreprise et d’installation,
- vos loyers professionnels,
- l’achat de fournitures, de matières premières, de mobiliers,
- les éventuels frais de location de matériel et machines,
- vos impôts professionnels,
- vos frais de déplacement (voiture, essence, transports publics, avion, train…),
- vos frais de repas (sous conditions),
- l’entretien et la réparation de vos biens professionnels,
- vos charges financières (intérêts d’emprunt, compte bancaire professionnel…),
- les salaires et charges sociales de vos salariés,
- les factures de vos fournisseurs,
- les charges exceptionnelles que vous pourriez avoir.
Une fois que vous aurez retiré ces dépenses à vos recettes (l’intégralité de vos factures), vous obtiendrez votre bénéfice imposable.
Il n’est pas rare, lorsque l’on lance une activité, de dépenser plus en frais que l’on ne fait entrer d’argent la première année. Dans ce cas, avec l’entreprise individuelle au régime réel, vous pourrez déduire ce déficit de vos impôts sur le revenu jusqu’à 6 ans !
Il conviendra alors d’ajouter ce bénéfice imposable dans la case de vos impôts sur le revenu (catégorie BIC ou BNC selon votre activité). Ainsi, à la différence d’une auto-entreprise, vous n’êtes imposé que sur l’argent que vous percevez directement.
Si vous optez pour l’EIRL, c’est-à-dire une entreprise au régime réel, avec option de responsabilité limité, vous pourrez choisir de payer l’impôt sur les sociétés plutôt que l’impôt sur les revenus pour l’imposition de vos bénéfices. Les bénéfices seront imposés au taux de 15 % à hauteur de 38 120 €, et ensuite à 33 %. À vous de calculer ce qui vaut le plus le coup, en fonction de votre tranche d’imposition sur le revenu actuel !
L’entreprise individuelle au régime réel vous permet également d’être assujetti à la TVA. Cela signifie que vous facturez la TVA à vos clients. Vous récupérez également la TVA que vous payez pour des services et marchandises.
Cela n’aura pas d’incidence pour vos clients professionnels ayant aussi cette possibilité d’assujettissement à la TVA. Par contre, pour vos clients particuliers qui n’ont pas cette possibilité, la facture sera plus élevée de 20 % par rapport à une auto-entreprise au régime de franchise en base de TVA.
Payez vos cotisations sociales de TNS
En tant que TNS (travailleur non salarié), dans le système de l’entreprise individuelle au régime réel, une “assiette minimale” de cotisations s’applique. Cela signifie que vous devrez payer ces cotisations même si vous n’avez rien gagné !
La sécurité sociale des indépendants (ancien RSI) émet des appels de cotisations 4 fois par an, ou chaque mois (au choix). Ils sont basés sur les bénéfices réels déclarés 2 ans auparavant. Les taux des cotisations varient de 38 à 45 % du bénéfice imposable environ, selon les revenus gagnés et votre situation. Le PASS (plafond annuel de la sécurité sociale) est l’élément de référence pour le calcul des cotisations. Il est de 39 732 € pour 2018.
Vos revenus, c’est-à-dire votre bénéfice net (vos recettes après déduction des charges) seront pris en compte et comparés au PASS pour le calcul de vos cotisations sociales.
Vous pouvez calculer vos propres taux par une simulation sur le site de la Sécurité Sociale des Indépendants. Il est très difficile de réaliser ces calculs à la main car les méthodes de calcul sont complexes. Vous pouvez retrouver ces taux sur le site de la sécurité sociale des indépendants.
Si vous avez le droit à l’ACCRE, vous pourrez bénéficier d’une réduction de vos cotisations sociales les 12 premiers mois sous conditions de revenus :
- si vos revenus (bénéfices imposables) sont inférieurs à 29 799 € (75 % du PASS), vous serez exonérés totalement des cotisations sociales SAUF de la CSG-CRDS et de la retraite complémentaire ;
- si vos revenus sont entre 29 799 et 39 732 € (75 % à 100 % du PASS), vous aurez droit à une exonération partielle et dégressive (à calculer avec un simulateur) ;
- au dessus de 39 732 € de revenus, vous n’aurez pas d’exonération.
Que se passe-t’il pour les entrepreneurs débutant leur activité ?
Les deux premières années, l’administration calcule les cotisations sur une base forfaitaire (qui n’est pas basée sur vos réels revenus). Vous devez payer ces cotisations, qui s’élèvent en 2018 à 3 335 € la première année, et 3103 € la deuxième année.
Une fois l’année passée, vous pourrez calculer le vrai montant de vos cotisations, et procéder à une régularisation (à la hausse ou à la baisse).
Ce système présente l’inconvénient de devoir avancer le montant des cotisations, ce qui pose un problème si vous n’êtes pas certain de facturer des clients, puisque ce montant vous sera rendu beaucoup plus tard. Par contre, ce système est intéressant pour simplifier la déclaration des charges (une fois par an), et pour éviter de dépenser le montant des cotisations entre leur encaissement, et leur déclaration.
Il est possible de contacter la sécurité sociale des indépendants pour demander un nouveau calcul de ces appels de cotisations, notamment si votre chiffre d’affaires est très faible. Si votre demande est acceptée, vos appels de cotisation pourront être réduits.
Créez et gérez votre entreprise individuelle au régime réel
l existe deux options sous le régime réel de l’entreprise individuelle :
- le régime réel simplifié ;
- le régime réel normal.
La majorité des Entreprises Individuelles sont imposés au régime réel simplifié et non au régime réel normal. La différence principale entre les deux est que les exigences en terme de comptabilité et de déclarations ne sont pas exactement les mêmes : elles sont plus lourdes pour le régime réel normal.
Le passage du régime réel simplifié au régime normal se fait sur décision du dirigeant de l’entreprise individuelle ou en fonction du montant de votre chiffre d’affaires. En effet, vous êtes de plein droit au régime réel simplifié si votre chiffre d’affaires hors taxe n’excède pas :
- 789 000 € pour une activité d’achat-revente ;
- 238 000 € pour une activité de prestation de service.
Pour créer votre entreprise individuelle et choisir vos options, il faut simplement remplir le formulaire P0 appelé “Demande d’immatriculation d’une entreprise individuelle”, directement en ligne sur Guichet Entreprises ou à retourner auprès de votre CFE avec les pièces justificatives demandées. La création n’est pas gratuite (entre 25 et 130€) .
Avec l’entreprise individuelle, il est nécessaire de tenir une comptabilité plus poussée qu’avec l’auto-entreprise, principalement à cause de la TVA, mais aussi pour justifier le montant du bénéfice imposable.
Les entreprises individuelles au régime réel doivent réaliser un bilan, un compte de résultat, et des annexes. Celles au régime réel normal (non simplifié) doivent réaliser un effort comptable supplémentaire, par exemple en réalisant des inventaires tous les ans, tenir un livre journal, un grand livre, et un livre d’inventaire.
Si vous décidez d’opter pour l’entreprise individuelle au régime réel, il vaut mieux avoir recours aux services d’un expert-comptable pour gérer votre structure au quotidien, alors que l’auto-entreprise est beaucoup plus légère à gérer seule.
Le régime "super simplifié"
Si vous optez pour l’ Entreprise Individuelle, il est possible de bénéficier d’un régime « super-simplifié » qui permet d’être notamment dispensé de certaines obligations déclaratives :
- Possibilité de regrouper les écritures comptables sur une base trimestrielle ;
- Déduction forfaitaire des dépenses de carburant sur des barèmes fixés par l’administration, ce qui permet de gagner du temps sur la comptabilité des frais ;
- Si votre chiffre d’affaires HT n’excède pas 176 200 € (achat-vente) ou 72 500 € (prestation de services), vous pouvez également être dispensé de produire un bilan et un compte de résultat.
Le bénéfice de ce régime super-simplifié rapproche les obligations comptables de l’Entreprise Individuelle de celles de l’auto-entrepreneur au régime de la micro-entreprise.
Limitez votre responsabilité personnelle
L’entreprise individuelle, qu’elle soit sous le régime d’imposition réel ou micro, est souvent critiquée pour l’absence de séparation entre le patrimoine de l’entrepreneur, et celui dédié à l’activité. Il est cependant possible de limiter votre responsabilité personnelle face aux risques de votre activité. Cela nécessite des démarches administratives supplémentaires.
Dans ce chapitre, nous allons déterminer ensemble si cela est utile pour votre activité avec :
- une évaluation du risque de votre activité,
- un détail des choix à votre disposition pour vous protéger du risque en entreprise individuelle,
- un tour de piste de la mise en place et de la gestion de la responsabilité limitée pour votre entreprise individuelle (EIRL) ou auto entreprise (AERL).
Évaluez les risques de votre activité
Par défaut, le créateur d’une entreprise individuelle est indéfiniment responsable des dettes professionnelles sur l’ensemble de son patrimoine personnel, à l’exception de sa résidence principale.
La loi du 6 août 2015 (dite loi Macron) permet la protection automatique, sans démarches nécessaires, de la résidence principale de l’entrepreneur individuel traditionnel et de l’auto-entrepreneur. Les autres biens ne sont pas protégés.
Le risque majeur est de contracter des dettes ou déficits face à des créanciers. Elles pourraient vous faire perdre votre patrimoine, ou vous endetter si votre patrimoine n’est pas suffisant pour couvrir l’intégralité de vos créances.
Les créanciers de votre entreprise sont l’ensemble des personnes, physiques ou morales, auxquelles vous devez de l’argent au titre de votre activité professionnelle. Il peut s’agir des banques, des fournisseurs, mais aussi de tiers (entreprises, particuliers) auxquels vous avez causé un tort, et à qui vous devez de l’argent suite à un litige et une condamnation pour réparation financière.
Nous l’avons vu précédemment, l’assurance responsabilité civile professionnelle (RC Pro) peut vous protéger face aux éventuels dommages causés par votre activité. Dans les faits, les litiges et condamnations sont assez rares. Cette assurance peut être suffisante pour couvrir vos risques. Il suffit d’en consulter les conditions générales et garanties.
Vos clients pourront vous demander de présenter la preuve d’une telle assurance, même si vous avez une société (EURL ou SASU). C’est une demande fréquente car elle permet de protéger vos intérêts, et ceux des clients, en cas d’incident.
Si votre activité nécessite une prise de risque importante, comme des investissements initiaux élevés (avec emprunt), ou un secteur d’activité sensible (données confidentielles, secteur santé ou bancaire, etc.), peut-être faut-il réfléchir à protéger votre patrimoine personnel.
Les risques sont principalement les suivants :
- Défaut de livraison (de services ou de produits), qui entraîne des conséquences économiques graves pour votre client,
- Produits ou services défectueux,
- Non respect du droit des consommateurs (délais de rétractation, information, gestion de bases de données…),
- Incidents causant un dommage à un client ou un tiers, de façon volontaire ou involontaire (par négligence ou par imprudence).
Votre régime matrimonial peut également augmenter votre envie de protection pour votre entreprise. Si vous êtes marié sur un régime communautaire, votre conjoint pourrait risquer son patrimoine par le fait de votre activité. Le régime de séparation des biens, sous certaines conditions (pas de société d’acquêt) peut protéger votre famille des risques de votre activité.
Il est possible de limiter votre responsabilité face aux risques de votre activité, et d’avoir une tranquillité d’esprit, en choisissant des mécanismes de protection supplémentaires pour votre entreprise individuelle.
Il existe deux mécanismes de protection du patrimoine pour l’entrepreneur individuel :
- la déclaration d’insaisissabilité,
- l’option de responsabilité limitée pour l’entreprise individuelle (EIRL) et l’auto-entreprise (AERL).
Réalisez une déclaration d’insaisissabilité
La déclaration d’insaisissabilité n’a de sens que si vous disposez d’un patrimoine foncier (bâti ou non bâti), et que vous souhaitez le mettre à l’abri.
Cette déclaration est réalisée par un notaire, puis publiée au service de publicité foncière et enregistrée dans votre registre professionnel (RCS ou répertoire des métiers). Cette déclaration est valable “à vie”, c’est-à-dire jusqu’à votre décès ou la vente de votre bien. Vous pouvez également, à tout moment, faire une demande de révocation de cette insaisissabilité.
Notez que dans la plupart des cas, les banques pourront vous demander d’être caution personnelle pour tout emprunt concernant votre entreprise. Cette déclaration d’insaisissabilité est donc plutôt destinée à vous protéger en cas de litige ou d’incident.
Cette déclaration ne protège vos biens que pour les contrats et actes professionnels datés d’après l’enregistrement par le notaire.
Comptez entre 500 et 1000 € pour l’établissement de cette déclaration. Des honoraires supplémentaires (de conseil, notamment) peuvent s’appliquer si votre situation est complexe. La première étape consiste à prendre contact avec un notaire de votre choix, qui pourra produire un devis, et gérer l’intégralité des démarches.
Réalisez une déclaration d’insaisissabilité
La responsabilité limitée vous permet d’affecter des biens à l’entreprise, et de séparer votre patrimoine personnel par rapport à votre activité.
Avec ce mécanisme, vous créez ainsi une EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée) ou une AERL (Auto-Entreprise à Responsabilité Limitée). Vous devrez indiquer cette mention sur vos devis, contrats, et factures, afin de prévenir vos interlocuteurs de vos limites de responsabilité.
Avec la responsabilité limitée, seuls les biens affectés à votre activité professionnelle pourront être saisis par les créanciers.
Attention toutefois aux limites de ce mécanisme. La responsabilité peut être remise en cause si cette séparation de biens n’est pas effectuée correctement. Ainsi, il ne doit pas y avoir de confusion de patrimoine. Tout votre matériel professionnel doit être déclaré, et avoir un usage professionnel strict. C’est le cas par exemple du compte en banque, de votre matériel informatique, ou de vos autres achats professionnels. Un expert-comptable peut vous aider à gérer l’aspect administratif de cette limite de responsabilité.
Cette responsabilité limitée mène à quelques démarches administratives supplémentaires. Vous pouvez opter pour cette responsabilité limitée à la création de votre activité, ou plus tard durant la vie de votre entreprise avec une simple déclaration auprès du CFE.
La première étape consiste à établir la déclaration d’affectation du patrimoine, au travers d’une liste détaillée des biens affectés à l’entreprise, et à leur valeur vénale (financière). Vous pouvez trouver les formulaires et démarches correspondant à votre activité sur le site du service public. Il est mentionné “EIRL” mais cela s’applique également aux auto-entreprises puisqu’elles sont, par nature, également des entreprises individuelles. Vous devrez déposer cette déclaration déposée auprès du CFE (à la création, ou plus tard pour modification).
Peut-être devrez-vous payer des frais d’enregistrement de cette déclaration, selon votre situation (environ 50 €).
Enfin, même si vous êtes en régime d’auto-entreprise, vous devez tenir une comptabilité autonome, et tous les ans, vous devez mettre à jour cette déclaration et publier des comptes (environ 50 € de frais de dépôt chaque année).